Accueil A la une Gestion des risques climatiques : La bonne gouvernance, clé de voûte de la résilience

Gestion des risques climatiques : La bonne gouvernance, clé de voûte de la résilience

 

«Rien ne compromet autant le développement durable que les catastrophes. Elles peuvent détruire des décennies de progrès en un instant», commente, en ces termes, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, faisant, ainsi, valoir la politique de bonne gouvernance, comme mécanisme de résilience et clé de voûte du développement durable. Comprendre et savoir gérer tous les risques en découlant est aussi de mise.

Sécheresse, stress hydrique, inondations, fortes précipitations hors- saison et bien d’autres catastrophes naturelles font, tout bonnement, état d’un climat catégoriquement instable et capricieux. Aujourd’hui, plus que jamais, on court le risque d’en subir les effets ravageurs, sans pouvoir les maîtriser à temps. Gérer ces risques et prévoir les solutions connexes, c’est bien là l’essence d’une bonne gouvernance.

Sur la ligne du GNDR

A l’échelle locale, l’Apnek, Association de protection de la nature et de l’environnement de Kairouan, œuvre à mieux s’inscrire dans cette logique de gestion de crise et de résilience aux aléas climatiques. D’ailleurs, elle s’aligne sur les objectifs du GNDR, le plus grand réseau mondial des organisations de la société civile pour la réduction des risques. Son point focal national tunisien, le géologue, Youssef Nouri, également premier-vice président de l’Apnek, répond toujours présent. Pour faire le point, il vient, tout récemment, de convier ses partenaires et adhérents membres du GNDR autour d’une réunion de coordination nationale, la deuxième après celle tenue à Kairouan, peu avant la COP 27 en Egypte. Alors, le débat tunisien sur le changement climatique n’en finit pas. Phénomène qui, depuis des décennies, s’est hissé à un sérieux défi universel et qui ne laisse personne indifférent. D’autant plus qu’aucun pays sur Terre ne serait guère épargné.

Changement climatique, c’est un danger bien réel et ne relève point de doute sceptique. Ni de simples hypothèses et supputations écologiques, non plus. Certes, la question nécessite une mûre réflexion, mais aussi des prévisions. En ces termes, penser environnement, c’est agir sur les prémices du changement climatique dont les impacts pèsent lourd autant sur l’homme que sur les écosystèmes dont il dépend. Au grand dam de son vécu et de la pérennité de tout un potentiel riche en biodiversité contrastée. Scénario apocalyptique : Nombre d’îles et zones côtières seraient, in fine, rayées de la carte du monde, d’autres devenues de plus en plus vulnérables. En cause, l’on ne saurait jamais gagner l’enjeu du développement durable, dont on a trop parlé et continué d’y penser énormément. Mais le point focal national du GNDR semble viser plus loin : comment peut-on gérer localement ces éventuels risques climatiques ? Autant dire, comment ses acteurs locaux peuvent-ils agir pour y faire face ?

Un guide et une boîte à outils

Et là, M. Nouri s’est référé aux propos du premier chef de l’ONU sur la question pour souligner l’intérêt qu’il y a d’accorder une attention toute particulière  à ces risques climatiques. Pour être pratique, il a présenté un guide et une boîte à outils, préparés par le GNDR sur «la localisation des projections climatiques». Cela dit, «s’assurer que les informations y liées, aussi trop techniques, deviennent facilement accessibles aux acteurs locaux pour s’en servir en cas d’urgence ou de crise», explique-t-il. Admettons que les alertes météo ne sont pas toujours vraies, mais il est évident que l’on doit prendre toutes les précautions qu’il faut. Bien que tout puise dans l’incertitude, il n’en demeure pas moins d’y penser. Cela s’appelle, selon les termes de M. Nouri, intégration de la réduction des risques de catastrophe (RC) et de l’adaptation aux changements climatiques (ACC) dans nos différents plans de développement. Ceci demande, argue-t-il, que nos acteurs locaux soient beaucoup plus impliqués dans la suggestion et l’élaboration des plans locaux de prévention, d’atténuation et d’adaptation. Soit, «les préparer aux éventuelles crises complexes, afin de renforcer la résilience de leurs communautés respectives», renchérit-il encore. D’autant plus que la démocratie locale exige bel et bien une large participation citoyenne locale. Surtout que 84% des acteurs interrogés déclarent ne pas être inclus dans l’évaluation des menaces et la préparation des politiques de gestion des risques.

Comment faire face à la dérive climatique ?

En fait, les prévisions 2023 tablent sur un plan d’actions et des priorités à grande échelle. Leur mise en œuvre s’inscrit dans un plaidoyer qui tienne tout en compte, à même de faire appel aux Ong tunisiennes à adhérer massivement au réseau GNDR. Sachant que seulement cinq associations nationales en sont déjà membres. L’union fait la force, comme on dit. En en faisant son point focal national, Youssef Nouri, avait brossé un tableau contextualisé garni de six étapes opérationnelles à suivre : comment faire participer les communautés à risque aux projections climatiques, collaborer avec les acteurs du climat, gestion des risques climatiques avec la communauté locale, cartographie des désordres pour hiérarchiser les risques à traiter, des récits y liés, ainsi que la prise de décisions en période d’incertitude. Peu importe le constat ! S’y préparer et mieux penser les solutions appropriées, c’est le plus important. Pour finir, M. Youssef Nouri s’aligne sur un slogan très répandu chez les forestiers américains : «Prendre soin de la terre et servir les gens.».

Par ailleurs, le rapport du GNDR 2022 a fait un état des lieux peu reluisant : «Malgré les engagements pris pour renforcer la résilience, lutter contre le changement climatique et créer des voies de développement durable, les choix sociétaux, politiques et économiques actuels font l’inverse». Sur ce plan, les pays les plus avancés sont, essentiellement, pointés du doigt. Les pauvres s’attendraient à ce que des fonds verts leur soient débloqués, au titre d’aides à la lutte contre les effets du changement climatique. Sous nos cieux, on a du mal à gérer des années successives de sec et de feu, sur fond de pénurie d’eau absolue et de forte chaleur hors du commun. Quels changements majeurs pour faire face à cette dérive climatique ? D’où l’importance d’une planification résiliente face à une sécheresse jamais connue. A quoi s’en tient, souvent, Mme Raoudha Gafrej, experte en eau et adaptation au changement climatique, mais l’Etat ne l’entend pas de cette oreille. Elle n’a cessé de tirer la sonnette d’alarme sur une situation de pénurie absolue, sous peine de nous retrouver, les années à venir, dans un état de soif à n’en plus finir. Paradoxalement, fait-elle remarquer, l’on dispose de plus de barrages, avec moins d’eau, des écosystèmes fragiles et de grande perturbation du cycle global de l’eau. S’y ajoutent la surexploitation des eaux souterraines, l’envasement des barrages, et des pertes d’eau considérables sur les réseaux vétustes de la Sonede.

Savoir gérer la demande

L’on est face à un constat sans appel : sécheresse et hausse des températures n’ont fait qu’aggraver la situation et placé l’Etat devant le fait accompli. La bonne gouvernance de nos ressources hydriques et naturelles est plus qu’impérative. Sans pour autant nous rebattre les oreilles avec l’économie d’eau. Car, en l’état, cette notion est à écarter, comme l’a révélé Mme Gafrej : «On doit essentiellement parler de restrictions d’usages, ce qui impose le contrôle et le comptage de tous les prélèvements». Ceci étant, pour pouvoir se doter, en état de crise, d’un stock d’eau stratégique. Et là, une chose est sûre : «L’économie de l’eau n’implique pas de consommer moins d’eau», déduit-elle, insistant sur la création des ressources alternatives nouvelles. Le dessalement d’eau de la mer en est une solution, sauf que celui-ci pose un problème d’énergie et d’un coût de production excessivement élevé.

Sami Meddeb, acteur associatif et consultant en environnement et développement durable, voit les choses autrement, tout en étant du même avis que Mme Gafrej. Il recommande de revenir à nos modes ancestraux de consommation d’eau et de repenser nos manières de gestion des risques en la matière. Cela fait, à ses dires, que l’on doit passer de la gestion de l’offre à celle de la demande, dans la perspective de garantir à tous le droit d’accès à l’eau. Et comme Kélibia est une région particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, adopter les stratégies et les actions d’adaptation et de résilience adéquates est une idée qui fait encore son chemin. C’est ce qu’avait souligné M. Habib Ben Boubaker, professeur de climatologie et président de l’association de sauvegarde de la médina et du patrimoine (ASMP) à Kélibia. Du reste, la gestion des risques des catastrophes, dans un contexte de changement climatique, devrait être soumise à une technique de lutte innovante, mais aussi un nouveau modèle du développement local si inclusif et participatif.

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